Si on enlève le pilote de Nichiyo no Yoru Gurai wa, j’ai l’impression de ne pas avoir vu de dramas japonais centrés sur un groupe d’amis féminin adulte depuis 1000 ans.
Mais en 2022, ce drama original Abema a fait souffler un vent de fraîcheur dans le paysage dramatesque japonais.
Doté de 8 épisodes, il a été écrit par Yamada Yuri (17.3 About a Sex, She Loves to Cook and She Loves to Eat) et dirigé par Kanai Ko (17.3 About a Sex, Kyouso no Musume).
Une histoire réaliste qui va (peut être) permettre aux femmes de respirer et de s’exprimer librement, d’être elles-mêmes et de ne plus mettre leurs sentiments de côté.
« Pourquoi devons-nous être restreintes par notre âge ? »
Une représentation humoristique et amère des réelles inquiétudes, de l’impatience et de la colère d’une femme vivant à cette époque.
Suivez la vie amoureuse, professionnelle et sexuelle de femmes célibataires de 29 ans, qui essaient de survivre dans un Tokyo moderne.
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Cette liberté de choix s’exprime de façon flagrante par le biais des affiches, j’aime beaucoup l’idée de choisir le thème du mariage puisque c’est une étape liée à l’âge de ces femmes qui les met sous pression. Elle renie leur identité et leur personnalité, les empoisonne, les force à taire leurs souhaits et leurs ambitions.
Avec ces deux poses, l’héroïne remet en question cette obligation sociétale (jugée logique dans la vie d’une femme) et reprend ses droits sur son corps ainsi que sur sa vie.
Sur la première, elle adopte une pose séductrice, provocatrice et nargue du regard les spectateurs.
Sur la deuxième, la provocation est bien plus assumée et le regard plus affirmé, prêt à se battre.
4 femmes
Miyama Haruka (Motherhood, Alice in Borderland 2, Even if you don’t do it) :
Jouée par Sato Honami, c’est un personnage très enthousiaste, passionné par son travail dans la vente; mais qui porte un masque la plupart du temps (au travail et devant son copain) et crie mentalement ses réels sentiments.
Miura Kyoko (Mars, Nanji no Na) : Interprétée par Yamazaki Hirona, une cheffe d’entreprise ultra dynamique, qui n’est ni intéressée par l’amour ou le mariage mais avec un désir d’enfant toujours bien présent.
Fujisawa Kanon (I don’t love you yet, Cherry Magic, Meikenchiku de Chushoku wo Osaka-hen) : Une secrétaire qui espère à tout prix se marier avant ses 30 ans, Sato Ryo est une véritable boule d’énergie, trouvant toujours un aspect positif même dans une situation difficile.
Sakura Uta (My husband won’t fit) : Une créatrice freelance qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense et sait argumenter pour défendre ses projets. Ishibashi Natsumi incarne une femme lesbienne out, qui essaie de trouver sa place.
liées par une indéfectible amitié
Le cœur du drama, c’est leur union soudée : elles s’entraident et se protègent en toutes circonstances, qui peuvent être aussi drôles que douloureuses. Elles ont appris à parler de leurs problèmes et à ne pas rester seules à porter ce poids. Il y a une réelle solidarité féminine.
A travers le prisme de l’âge, du mariage et des inégalités hommes-femmes, ce quatuor avec une joie de vivre et un dynamisme à toute épreuve va affronter plusieurs obstacles et en sortir grandi.
Et elles pourront aussi compter sur plusieurs personnes, dont Michiru, une figure incontournable de la série (elle s’est mariée trois fois et tient un bar qui est le qg de la bande).
It’s always the woman who pays the price while the man gets away scot-free.
Baignant dans un environnement dominé par les hommes, Haruka a réussi avec acharnement et succès à se frayer un chemin dans le monde impitoyable de la vente.
Elle observe ces hommes qui passent toujours à travers les mailles du filet et les femmes en faire les frais, comme des produits bons à jeter.
Les inégalités sont nombreuses : pour un congé maternité par exemple (seuls 14% des hommes prennent un congé de paternité), les femmes ne pourront majoritairement pas reprendre leur poste initial. Soit elles ne reviendront pas, soit elles seront transférées dans un autre service avec des horaires différents.
[Haruka considère ces femmes 9h-17h assez étranges, comme si elles venaient d’un monde parallèle, mais jamais avec mépris. Chaque femme dans 30 Made ni to Urusakute, est toujours traitée avec respect et c’est assez inhabituel pour moi].
En effet, il est difficile de conjuguer un ou plusieurs enfants et une carrière professionnelle. Les femmes doivent en permanence prouver leur utilité alors que les hommes, encore une fois, ne sont pas du tout embêtés.
Autre sujet qui montre que les envies des femmes ne sont pas écoutées : le sexe.
Le couple de Haruka est sexless depuis un an et demi environ mais problème, Haruka a une forte libido et son compagnon évite une confrontation. Ce qui fait qu’elle l’a très souvent trompé… Heureusement, grâce à Michiru, ils vont se rendre à une thérapie de sexe et je peux vous dire que ça été pris très au sérieux, une des meilleures scènes du drama.
La libido de Haruka n’est pas diabolisée au contraire : “having a sex strong drive is not wrong, being able to do it and enjoy it it’s wonderful, there’s countless kinds of relationships”.
Il y a différentes façons de faire l’amour et chaque pas compte, le but n’est pas d’aller jusqu’au bout et de tout compléter toutes les étapes.
Elle se pose de plus en plus de questions sur ses envies à elles, sur son futur, est ce qu’elle peut tout reprendre à 0, aller voir un professionnel pour sa santé mentale (ce n’est jamais stigmatisé mais encouragé par plusieurs personnages, il faut en prendre soin).
Et j’ai adoré la voir s’épanouir, devenir de plus en plus confiante et retrouver du poil de la bête! 😎
I realize that some of you may have tried to push through on your own, with no one to confide in. But I hope you’ll talk to someone before it’s too late.
Lassée d’être perçue comme une femme-objet (femme considérée comme une chose ou un objet de désir), Kyoko subit les rendez-vous romantiques, elle qui n’est ni intéressée par l’amour ni par le mariage (et n’apprécie pas le sexe comme Haruka).
Cependant, elle se dit que pour les enfants, ce n’est pas si définitif que ça. En y réfléchissant, Kyoko apprend qu’elle a une maladie appelée l’adénomyose (une forme particulière de l’endométriose). Cette dernière lui cause déjà d’importantes douleurs et pourrait sur le long terme, potentiellement l’empêcher d’avoir des enfants.
[Le drama a été encadré par plusieurs professionnels de santé comme des obstétriciens et des gynécologues].
Alors Kyoko, soutenue par ses amies, fait des recherches pour savoir comment procéder (l’adoption n’est jamais mentionnée).
Elle tombe sur un site non officiel de donneurs de sperme (ce n’est pas illégal mais il n’y a pas de réglementation claire depuis les premières inséminations datant de 1948) mais ce n’est pas habituel. En effet, seuls les couples mariés où le mari n’est pas fertile peuvent obtenir un don de sperme à l’hôpital.
Grâce aux misogynes homophobes et la loi de donation de sperme japonaise (proposée au Parlement fin 2022 mais je ne sais pas si elle est passée), cette procédure médicale exclut les couples de même sexe (puisque qu’ils n’ont pas le droit de se marier) et les femmes célibataires/en couple. Elles ne peuvent également pas recevoir de traitements d’infertilité…
Kyoko va donc se lancer dans une course contre la montre pour tenter de concevoir un enfant en rencontrant plusieurs potentiels donneurs (pose des questions sur les conditions que souhaite Kyoko et l’honnêteté de ces derniers) et // penser à devenir une mère célibataire par choix. //
Entre déceptions et douleurs, c’est une femme sensible qui avance avec courage et motive son entourage. Elle pousse ses amies et employées à se confier, qu’elles échangent sur leurs joies mais aussi leurs problèmes et ça fait toute la différence.
Kyoko a beau être différente de ses amies et ne pas toujours être d’accord avec leurs choix, jamais elle ne les juge. Elle est toujours à leur écoute et prête à leur venir en aide.
At the marriage consulting, they tell me : “you have to get married in your twenties, that’s your best chance”. […] Yeah, it’s bull****.
La vie de Kanon est régie par la pression du temps comme la plupart des femmes : en obtenant leur(s) diplôme(s) et arrivées à peine sur le marché du travail, il faut déjà se mettre en quête d’un futur partenaire.
Le but est de se marier et de mettre au monde des enfants à temps, sans pouvoir poursuivre sa carrière et ses passions.
Si elles n’y arrivent pas avant leurs 30 ans, la société considère qu’elles ont échoué.
Et même si les femmes en question se rendent parfaitement compte de la bêtise de ce système, elles ont les mains liées et se retrouvent prises au piège entre leurs rêves et la réalité.
Coincée dans un travail de secrétaire qu’elle déteste au compte d’un patron sexiste (aucun mépris pour ce travail mais ce n’était pas ce qu’elle voulait faire et surtout pas dans ces conditions) et vivant dans un appartement de 70.000 yens (444,15 €), elle observe le luxe indécent dans lequel nage ce dernier. Et ça ne fait évidemment qu’accroître sa hantise de ne pas trouver de mari et de ne plus être capable de subvenir à ses besoins.
Kanon va s’inscrire dans une agence pour multiplier ses chances mais est ce que se marier sans amour, pour être sûre de vivre à l’abri, est vraiment ce qu’elle désire? Elle est tiraillée entre sa situation et l’espoir de tomber sur un homme qui lui plaira vraiment.
C’est un personnage intelligent et drôle, qui a plus de ressources qu’elle ne le croit et remonte le moral des troupes comme personne. Suivre son parcours et son évolution m’a touchée, je suis contente qu’elle n’ait pas abandonné ses rêves // (même si c’est seulement suggéré et c’est dommage). //
Why are we the only ones who have to be strong and determined ?
Lors de mes visionnages de 2023, j’ai rencontré plusieurs saphiques/lesbiennes mais celles comme Uta sont rares.
En tant que lesbienne (le mot est dit clairement, le sexe n’est pas caché non plus) et out à ses amies/à sa mère, elle est courageuse et n’a pas peur d’affirmer ses opinions et ses idées.
Uta est assez sarcastique, très empathique et donne toujours de bons conseils. Sa petite amie, Makoto (mannequin de profession), sort parfois aussi avec la bande de Uta et elle est très bien intégrée.
Évidemment, son personnage ne se résume pas seulement à sa sexualité mais le monde extérieur ne le voit pas ainsi.
Il ne cesse de la ramener à la “réalité” avec une campagne de mode promouvant un couple hétérosexuel (la femme sur l’affiche est sa copine, imaginez la douleur…), de lui rappeler qu’elle n’est pas dans la norme et ne correspond pas à ce que la société attend d’elle.
En conséquence, Uta n’est pas considérée comme un membre de la société alors qu’elle travaille (en tant que créatrice freelance mais c’est un statut précaire) et paie ses impôts.
Comme le mariage pour les personnes de même sexe est interdit, elle ne peut pas se revendiquer comme partenaire ou famille de Makoto (qui elle, cache son homosexualité).
Ca fait déja quelques discriminations et elles sont sans cesse confrontées à la réalité.
Uta ne supporte plus cette situation et aimerait avoir une vie où elle puisse respirer plus facilement, ne pas toujours à devoir à être forte, déterminée et à craindre d’être séparée de celle qu’elle aime.
Heureusement, il y a de l’espoir, certaines scènes étaient vraiment magnifiques et si belles 😭❤ …
A l’image du stylisme, des représentations diverses de femmes et de la réalisation qui les met en valeur, des différentes façon d’aborder le sexe, l’ost en fait un drama très agréable et frais!
Mayonaka no Door fut le premier single de Miki Matsubara en 1979 et a rencontré un grand succès. Fin 2020, il a rencontré un élan de popularité.
Honnêtement, ça n’a rien d’étonnant car c’est une chanson qui peut s’adapter à chaque époque avec une grande facilité.
Dans le drama, elle apparaissait toujours au meilleur moment, c’était un bonheur de l’entendre!
Même si cette chanteuse très douée est malheureusement décédée, sa chanson a réussi à survivre à travers le temps ❤.
Si vous avez besoin d’un drama qui parle de femmes approchant la trentaine, de sexe et de santé mentale, de différents parcours avec une ost entraînante, 30 Made ni to Urusakute est peut être fait pour vous ~
J’espère que cet article vous aura plu et je vous dis à bientôt! 💃✨
Sources (intéressantes) :
https://www.festival-automne.com/edition-2022/yuri-yamada-et-pourtant-jaimerais-bien-te-comprendre
https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/11/03/festival-d-automne-yuri-yamada-l-engagement-au-corps_6148391_3246.html (article réservé aux abonnés mais le début est très intéressant)
https://times.abema.tv/articles/-/10011164
https://note.com/shiganaichan/n/n38c932d5f8b3
https://www.asahi.com/articles/ASQ6675Q4Q5TTZNB00Q.html
Péripéties d'une dramavore 
Superbe article ! Je prends note en l’ajoutant aussitôt dans ma watchlist, le propos est très intéressant ! We love women centric, cœur cœur cœur sur la photo où elles font un câlin de groupe !
Je te souhaite un doux week-end 💗
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup! J’espère qu’il te plaira, j’ai pensé à toi en l’écrivant avec le sujet de la trentaine ☀️ Sur twitter et certains articles, on voit qu’elles sont proches, trop adorable 😭💌
Un excellent week-end à toi 💌
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